mardi 5 avril 2011

L'équilibre néoclassique

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L'équilibre néoclassique
Il est bien évident qu'on ne saurait présenter l'ensemble du courant néoclassiqueen quelques paragraphes, et que le texte qui suit n'a pas cette ambition. J'ai simplement voulu souligner quelques points qui me paraissent essentiels pour caractériser la démarche et les conclusions de cette filiation théorique. Il faut donc considérer ces points comme une introduction à l'étude des raisonnements néoclassiques, et non comme ces raisonnements eux-mêmes.
1. Contexte et dénominations
Chose étonnante, le courant néoclassique est né des travaux menés indépendamment et quasiment simultanément par Stanley Jevons (1871), Carl Menger (1871) et Léon Walras (1873). Une telle concordance, et un tel succès par la suite (le paradigme néoclassique deviendra très rapidement dominant) s'explique en premier lieu par le contexte idéologique et politique. Les années 1860 sont celles d'un essor du mouvement ouvrier politique inspiré notamment par les idées de Marx. Ce mouvement ouvrier conteste dans les faits, et pas seulement dans l'idéologie, l'ordre capitaliste. Or la vieille théorie de la valeur-travail élaborée par Smith et par Ricardo constituait une bien mauvaise ligne de défense pour les partisans de l'ordre établi, dans la mesure où elle conduisait à affirmer la réalité de l'exploitation des travailleurs et où elle fournissait une base théorique à la lutte des classes. Par bien des aspects, le réquisitoire de Marx s'inscrivait dans les prolongements théoriques de Ricardo. Aussi, pour contrer le premier, fallait-il également rejeter le second. Le courant néoclassique va ainsi s'attacher à démontrer tout à la fois la capacité du marché et de l'économie capitaliste à obtenir des résultats optimum, et le caractère non exploiteur, équitable, de cette économie. S'il se situe dans la continuité des classiques sur les thèmes du libéralisme et du laisser-faire, il constitue donc en revanche en rupture complète (tout au moins vis-à-vis de Smith ou Ricardo) sur la question de la valeur.
Il serait exagéré de présenter la théorie néoclassique de la valeur comme une innovation complète. Dès le début du siècle, et face aux thèses de la valeur-travail, bien des économistes avaient proposé une théorie alternative, fondée sur les notions d'utilité et de services productifs (citons notamment J.-B. Say et F. Bastiat). La nouveauté va être que les néoclassiques, tout en repartant de cette base, vont apporter une formalisation beaucoup plus poussée, cherchant à donner à leurs raisonnements une rigueur toute mathématique.
La théorie néoclassique est également souvent qualifiée de « marginaliste », du fait qu'elle généralise une méthode de raisonnement dite « à la marge ». Bien sûr, cette dénomination est consacrée par l'usage, et ce n'est pas ici qu'on va la remettre en cause. Elle s'appuie sur un fait indéniable, les néoclassiques étant extrêmement friands de ce type de raisonnements. Cependant, il faut bien comprendre que cette caractérisation s'attache à la forme bien plus qu'au fond. Le raisonnement « à la marge » n'est pas, par lui-même, néoclassique, ricardien ou marxiste. Ricardo, sur la rente foncière, raisonne de manière purement marginaliste, sans que ses idées ne rejoignent du tout celles des néoclassiques. Si les néoclassiques peuvent employer le raisonnement marginaliste dans la plupart des situations, c'est en raison de leurs hypothèses et de leur problématique. Et ces hypothèses, et cette problématique, les caractérisent bien davantage que la forme du raisonnement qu'ils emploient le plus volontiers.
On a également coutume de dire que le courant néoclassique se caractérise par la place qu'il accorde à la micro-économie. Là aussi, il y a du vrai, mais seulement dans une certaine mesure. En réalité, toutes les théories économiques, sans exception, se fondent à un degré ou à un autre sur des hypothèses portant sur le comportement des agents - quels que soient les agents que ces théories reconnaissent comme pertinents. Même des analyses particulièrement orientées vers la macro-économie, comme celles de Marx ou de Keynes, vont en réalité de pair avec des hypothèses micro-économiques. De ce point de vue, la théorie néoclassique n'est donc pas particulièrement originale. En revanche, là où le courant néoclassique se distingue, c'est sans doute sur la place et l'importance qu'il accorde aux raisonnements micro-économiques. Lui seul en effet ambitionne de fonder l'ensemble de son édifice théorique sur des postulats concernant des individus isolés (c'est ce qu'on appelle l'individualisme méthodologique). Et lui seul, sur cet aspect micro-économique, a poussé le formalisme aussi loin.
Néoclassique, marginaliste, micro-économique : toutes ces caractérisations s'appliquent donc à ce courant, dans certaines limites qu'il convient toutefois de ne pas perdre de vue.
Il faut néanmoins souligner que l'ensemble néoclassique est, par bien des aspects, beaucoup plus homogène que celui des classiques, dont nous avons vu qu'il recouvrait des disparités parfois radicales sur des thèmes pourtant fondamentaux. Les néoclassiques, eux, s'accordent tous sur la théorie de la valeur, sur l'individualisme méthodologique, sur le rôle privilégié attribué aux situations d'équilibre, etc. Une certaine diversité est certes apparue après la deuxième guerre mondiale, certains néoclassiques tentant d'intégrer les propositions de Keynes pour élaborer une synthèse, d'autres, au contraire, rejetant celles-ci. Toutefois, pour ce qui est de ses fondements, qui furent posés pour la quasi-totalité d'entre eux à la fin du XIXe siècle, il reste parfaitement légitime d'étudier ce courant en tant que tel.
2. Le cadre général du raisonnement
Le courant néoclassique se distingue par son point de départ : il s'agit de l'homo œconomicus, l'homme économique, une fiction désignant un individu abstrait, doté d'un certain nombre de biens, jouissant d'un pleine liberté de décision et poursuivant rationnellement certains buts sous certaines contraintes.
L'univers des néoclassiques est un univers d'individus, dans lequel les institutions, l'Histoire ou les classes sociales se sont évanouis. Tout au plus peut-on dire que le cadre institutionnel n'est là que pour se faire oublier : les institutions doivent permettre le bon fonctionnement du marché, et c'est là leur seul rôle. L'univers des néoclassiques est également un univers d'échanges, et d'échanges marchands. Les individus arrivent sur le marché munis de dotations initiales, sur l'origine desquelles l'économie n'a pas à s'interroger. Ils procèdent aux échanges qui leur procureront la plus grande satisfaction possible, et c'est là l'objet d'étude de la science économique. Quant à la production, elle se ramène, avec quelques variantes supplémentaires, à cette question de l'échange marchand.

1. Le consommateur et la demande
L'homo œconomicus par excellence est le consommateur, dont le but est de maximiser (rationnellement) son utilité, c'est-à-dire la satisfaction que lui procurera la détention de certains biens plutôt que d'autres. Sa contrainte est évidemment son budget : les produits ont un prix, et tout le problème du consommateur est de parvenir à la plus grande satisfaction avec l'argent dont il dispose. Soucieuse de formaliser ce point de départ et de pouvoir le traiter avec des outils mathématiques, la théorie néoclassique décrit les préférences du consommateurs par une fonction d'utilité. L'existence de cette fonction signifie que le consommateur est capable d'assigner un degré de préférence à chaque ensemble de biens (on parle alors de paniers de biens). La théorie néo-classique, qui au départ postulait que les consommateurs étaient capables d'attribuer une valeur absolue à ces préférences (on parle alors, en termes techniques, de cardinalité) en est venue à se limiter à un classement relatif des préférences (on parle alors d'ordinalité). Cela veut dire que la théorie néoclassique peut parvenir à des résultats en supposant simplement que le consommateur est capable d'ordonner, de classer, les paniers de biens selon ses préférences, sans forcément être capable de mesurer cette utilité.
La fonction qui formalise l'utilité de chaque consommateur est très souvent représentée par une courbe en deux dimensions (c'est-à-dire impliquant un panier de seulement deux biens). Il faut bien comprendre qu'il s'agit là d'une facilité de représentation, afin d'obtenir un résultat graphiquement lisible. Mais dans la théorie, il n'y a aucune limite au nombre de biens, donc de dimensions (ce qui en soi, ne pose aucune difficulté particulière au traitement mathématique) ! Rappelons-nous également que consommateur est supposé effectuer ce classement des utilités avant de connaître les différents prix des biens, et indépendamment de ceux-ci : les prix ne seront fixés (et donc connus) que plus tard.
A partir de là, on se donne un certain nombre de termes techniques permettant de discuter des propriétés de cette fonction d'utilité. Parmi ceux-ci, deux méritent d'être plus particulièrement définis :
  • une courbe d'indifférence est une courbe qui relie les paniers de biens procurant la même utilité au consommateur. L'ensemble des préférences du consommateur peut ainsi être représenté comme une série de courbes d'indifférence représentant un niveau croissant d'utilité (en réalité, comme pour les courbes de niveau sur une carte, il y a une infinité de courbes d'indifférence infiniment proches les unes des autres)
  • le taux marginal de substitution (TMS) : c'est la quantité infinitésimale de bien 2 qu'il faut ajouter pour conserver la même utilité, si l'on retire une quantité infinitésimale de bien 1 dans un certain panier. Graphiquement, il s'agit de la pente de la courbe d'indifférence en un point donné.
Une fois la fonction d'indifférence établie, la contrainte budgétaire apparaît sous la forme d'une droite (dans le cas de deux biens) dont la pente est fonction du prix relatif des deux biens, et dont la distance à l'origine dépend du budget disponible. Sous réserve d'un certain nombre d'hypothèses, sur lesquelles je reviendrai dans un instant, à un budget et à un état des prix donnés, correspond un panier de biens et un seul qui maximise la demande du consommateur. C'est donc ce panier de bien qui sera désiré (tant qu'il n'y aura eu aucun changement de prix).Une propriété remarquable du panier de biens qui maximise l'utilité du consommateur pour un budget donné (et qui se trouve donc correspondre à la situation d'équilibre du consommateur) est que le rapport entre les différents prix des biens est égal au rapport entre les différents taux marginaux de substitution entre les biens.
Tout ce cheminement repose sur un certain nombre d'hypothèses, dont il faut souligner que certaines sont plus contraignantes qu'elles n'y paraissent.
  • la capacité des consommateurs à classer leurs utilités indépendamment des prix n'est pas si évidente, par exemple dans le cas de biens ostentatoires, dont le principal intérêt est précisément d'être chers.
  • surtout, le fait qu'un budget et une structure de prix donnés aboutissent à un panier de biens et à un seul dépend beaucoup de la forme des courbes d'indifférence. Par défaut, on représente toujours celles-ci comme des hyperboles, c'est-à-dire des fonctions continues, dérivables et asymptotes aux axes. D'un point de vue économique, cela implique en réalité une série de suppositions là aussi assez contraignantes sur les préférences des consommateurs. On ne rentrera pas ici dans la discussion sur ces suppositions, ni sur les conséquences que leur invalidité peut avoir sur le résultat final, mais il faut savoir que cette discussion entre économistes existe depuis fort longtemps, et qu'elle a été fort nourrie.
  • il est un bien pour lequel la polémique a été particulièrement abondante, en raison de son statut particulier : c'est le travail, qui est donc demandé par les consommateurs, dans un arbitrage avec le temps libre. Je traite de ce bien particulier dans la page de ce site qui lui est spécialement consacrée.
Cette parenthèse une fois refermée, passer de la demande d'un consommateur isolé à l'ensemble de la demande des consommateurs sur un marché donné est dès lors un jeu d'enfants : il suffit d'agréger, c'est-à-dire d'additionner, l'ensemble des demandes individuelles, pour obtenir la fonction de demande globale.

2. Le producteur et l'offre
D'un point de vue formel, la manière dont la théorie néoclassique traite l'offre ressemble de très près à son traitement de la demande. Là aussi, il s'agit d'agents libres (les entrepreneurs) qui vont utiliser différents biens (des machines, de la terre, du travail, etc.) afin de réaliser une production, avec comme objectif de maximiser le profit.
Disons-le d'emblée, le statut de cet entrepreneur et de ce profit pose quelques problèmes à la théorie néoclassique. Bien souvent, on lit que l'entrepreneur n'est rémunéré ni par un salaire (ce n'est pas un employé) ni par la rémunération des capitaux (puisque par définition, les capitaux ne sont pas à lui et qu'il les demande sur le marché). Par conséquent, on a bien du mal à voir dans cet entrepreneur n'ayant ni statut social ni rémunération autre chose qu'un personnage purement fictif. Chose remarquable, dans cette hypothèse, le profit d'entreprise en tant que tel n'existe pas ! Tout le revenu se dissout en ses composantes (intérêt, rente, rémunération pour les machines louées) sans que l'entrepreneur puisse disposer du moindre sou pour la période suivante de production. Cette conséquence fâcheuse des hypothèses de départ a conduit certains néoclassiques à intégrer un service productif supplémentaire, celui du travail de l'entrepreneur. Dans ce cas, une rémunération apparaît, que l'on peut qualifier de profit. Mais la question de savoir quelle forme prend cette rémunération dans la réalité (puisque cette rémunération n'est ni un salaire, ni un dividende) reste entière. Surtout, elle suppose que le profit est proportionnel au travail de direction effectué par les entrepreneurs, ce qui semble bien hardi. Là encore, je ne fais que signaler l'existence d'un débat : il faudrait bien davantage que ces quelques lignes pour en rendre compte.
Revenons-en à la démarche néo-classique. Tout comme on pouvait associer aux consommateurs une fonction de consommation, on peut associer aux producteurs une fonction de production. Celle-ci associe une quantité produite avec un certain panier de biens employé pour la production. Et de même qu'on parlait pour le consommateur de courbes d'indifférence, on peut parler d'isoquantes, c'est-à-dire de courbes reliant tous les paniers de biens (les inputs) qui aboutissent à une même quantité de production. Les prix des différents biens une fois connus, l'entrepreneur peut maximiser sa recette, en cherchant à obtenir la plus grande production possible. Tout comme dans le cas du consommateur, on montre que la situation d'équilibre sera celle où le rapport entre le taux marginal de substitution des biens de production sera égal au rapport entre leur prix.
Dans la même veine - et c'est un aspect essentiel pour la répartition des revenus -  on montre que le prix des biens de production s'établit à l'équilibre proportionnellement à leur productivité marginale. Pour parler communément, chaque facteur de production reçoit donc l'équivalent ce qu'il a apporté. A proprement parler, la question de la répartition (telle que se la posaient les classiques, puis Marx) ne se pose pas : il n'y a plus de classes sociales, mais uniquement des individus ; il n'y a plus de transferts de valeur, les uns captant une partie de la valeur créée par les autres : il n'y a plus que des détenteurs de services productifs (terre, biens de production, travail) qui recevront (dans l'hypothèse d'un marché fonctionnant correctement) très exactement l'équivalent de ce que ces services auront apporté à la société.
Une objection traditionnelle à la théorie néoclassique consiste à l'accuser de commettre à cet égard un raisonnement circulaire : les prix des biens de production sont censés s'établir en fonction de leur productivité marginale... or celle-ci ne peut être calculée qu'à partir des prix. Une fois de plus (mais vous commencez à en avoir l'habitude), je me contente de signaler ce débat sans entrer dans les détails.

3. Le marché et l'équilibre
Toujours est-il que la construction néoclassique aboutit ainsi à la confrontation sur le marché entre une courbe d'offre, croissante avec le prix, et une courbe de demande, quant à elle décroissante avec le prix. L'équilibre sera donc atteint (via un processus qui n'est pas si évident qu'il en a l'air) par le prix, qui égalisera l'offre et la demande. Quels qu'en soient les détails, le bon fonctionnement de ce mécanisme exige que le marché obéisse à certaines conditions : en l'occurrence, que la concurrence puisse y être qualifiée de pure et parfaite. Cela recouvre quatre points :
  • homogénéité du produit : les différentes unités échangées sont réputées être équivalentes entre elles, tant pour les différents consommateurs que pour les producteurs.
  • libre entrée : aucune barrière légale ou autre n'empêche un nouveau vendeur, ou un nouvel acheteur, de se présenter sur le marché.
  • transparence : tous les intervenants doivent être à tout moment parfaitement informés de la situation du marché
  • atomicité : les vendeurs et les acheteurs doivent être suffisamment émiettés pour ne pas pouvoir, par leur force individuelle ou par leur action concertée, exercer une influence sur les prix. Par exemple, sur le marché du travail, une association d'employeurs... ou un syndicat ouvrier, constituent des entraves à l'atomicité du marché, et sont, à ce titre, nuisibles à son bon fonctionnement.
C'est cette dernière hypothèse qui est généralement levée lorsque les néoclassiques étudient les marchés de concurrence dite imparfaite (monopoles ou monopsones, oligopoles ou oligopsones, etc.)
Les néoclassiques montrent que la concurrence pure et parfaite est nécessaire (et suffisante) pour que le marché parvienne à un optimum (cet optimum étant différemment défini selon les auteurs). Walras, Pareto (1896) puis plus tard Arrow et Debreu (1956) pousseront leur démonstration jusqu'à l'équilibre dit général, montrant que les mécanismes concurrentiels permettent d'aboutir à l'équilibre optimal non seulement sur un marché particulier, mais simultanément sur l'ensemble des marchés (dont, par exemple, celui du travail).
Au final, dans la théorie néoclassique, le capitalisme présente le visage d'une organisation économique juste et efficiente. Juste, parce qu'elle assure à tous une rémunération équivalente à son apport à la société. L'exploitation, la captation de richesse créée par d'autres, n'existent qu'à titre d'accident ou d'imperfection. Efficiente, parce que les mécanismes du marché amènent obligatoirement l'économie à son meilleur résultat ; dans ces conditions, toute intervention extérieure, en particulier celle de l'Etat, ne peut qu'être nuisible.
3. Le processus de tâtonnement
Lorsqu'on examine de plus près comment l'offre peut être confrontée à la demande sur un marché donné, on s'aperçoit que le respect des résultats annoncés par les néoclassiques n'a rien d'évident. Il est essentiel en effet qu'aucune transaction n'ait lieu à un prix de déséquilibre, c'est-à-dire à un prix qui n'égalise pas l'offre et la demande. Mais comment les agents (acheteurs et vendeurs) peuvent-ils parvenir à fixer ce prix sans procéder à aucune transaction ?
Sur ce point, ce sont les travaux de Walras qui servent aujourd'hui encore de référence. Walras imagine un personnage (fictif ?), le commissaire-priseur, chargé de fixer le prix. En début de cycle, les vendeurs et les acheteurs se présentent sur le marché. Le commissaire annonce alors un prix, et recueille toutes les intentions de demande et d'offre. Si celles-ci ne coïncident pas, il fixe un nouveau prix, et l'annonce. Les agents modifient alors leurs intentions, que le commissaire priseur collecte à nouveau, etc. Le processus se répète jusqu'à ce que le commissaire-priseur ait trouvé un prix où l'offre et la demande coïncident. Il annonce alors ce dernier prix, et permet à ce moment-là aux agents de procéder aux transactions.
Ce processus est connu sous le nom de tâtonnement walrasien. Les hypothèses en sont lourdes : on trouvera bien peu de marchés qui les satisfont, en particulier où aucune transaction n'est effectuée à un prix différent du prix d'équilibre. Or, il faut rappeler que ces hypothèses sont indispensables pour que les conclusions annoncées par les néoclassiques soient vérifiées ; en particulier, toutes les propriétés de l'équilibre n'ont de portée que si les transactions s'effectuent exclusivement à cet équilibre.
On pourrait être tenté de faire une analogie entre ce tâtonnement walrasien et la gravitation ricardienne, présentée par ailleurs sur ce site. Après tout, dans les deux cas, on a un processus qui tente d'approcher une cible par corrections successives. Pourtant, cette analogie serait une grave erreur, tant les deux processus - et les deux raisonnements - sont éloignés l'un de l'autre. Afin de fixer les idées sur ce point important, on peut dresser un rapide comparatif sous forme de tableau :
 
  Tâtonnement walrasien Gravitation ricardienne
Le processus se déroule sur le... très court terme (une session d'achats/ventes sur un marché) moyen terme (plusieurs mois, voire années)
Les transactions s'effectuent... à l'équilibre exclusivement généralement en déséquilibre
Les agents sont informés de l'état du marché... par le commissaire-priseur par les déséquilibres constatés (stocks, demande non satisfaite, différentiel des taux de profit, etc.)
La variable d'ajustement est... le prix exclusivement le prix sur le court terme, les quantités via les capacités de production et les taux de profit sur le moyen terme
Le processus équilibre... des achats/ventes d'agents se présentant avec des dotations initiales les capacités de production des différents secteurs, via les prix et les taux de profit
 

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