L’édentation se caractérise par la disparition d’un élément constituant essentiel du système stomatognathique : les dents et leurs tissus de soutien, il en résulte des perturbations sévères au niveau des différentes fonctions assurées par le système : désordre phonétique, réflexes de la déglutition modifiés, mais surtout la perte de la fonction occlusale.
La fonction occlusale :
La mandibule s’articule avec le crâne par deux types d’articulations :
- les ATM qui permettent la mobilité de l’os et son attachement par rapport au crâne.
- l’engrènement dento-dentaire qui assure la fonction occlusale.
Celle-ci joue un rôle essentiel dans la mastication mais également très important dans la phonation et la déglutition.
L’articulation dento-dentaire, inter arcade est le facteur prédominant du centrage de l’os mandibulaire par rapport au crâne : l’intercuspidation maximale constitue un stop d’arrêt précis du mouvement d’élévation de la mandibule déterminant ainsi la dimension de l’étage inférieur de la face, d’autre part cette IM induit le centrage de la mandibule dans les ATM.
Les restaurations prothétiques des édentations totales bi maxillaires devront donc répondre à un double impératif :
- reconstituer le système dentaire disparu pour permettre de retrouver la fonction occlusale.
- s’intégrer harmonieusement d’un point de vue physiologique au sein des éléments subsistants du système stomatognathique à savoir les ATM, leurs ligaments, le système neuromusculaire qui permet le contrôle des mouvements fonctionnels.
La différence entre la denture naturelle et la prothèse totale :
1- les dents naturelles sont fixées indépendamment les unes des autres (attache individuelle) aux maxillaires par un système desmodontal qui leur est propre.
Les dents prothétiques sont toutes fixées solidairement sur la même base qui repose sur une muqueuse souple (attache collective).
2- si une malocclusion intervient au niveau d’une dent naturelle son effet est limité au début à cette dent et à sa région.
Si une malocclusion affecte une dent prothétique, elle intéresse la totalité de l’arcade car toutes les dents sont solidaires et les plaques bases répercutent à distance les effets de cette malocclusion
3- la dent naturelle peut s’adapter à une malocclusion (migration, rotation, ingression), et de ce fait la réaction pathologique est différée.
Les possibilités d’adaptation prothétique sont nulles de sorte qu’une malocclusion entraînera une réponse pathologique immédiate (déplacement de la prothèse, irritations muqueuses).
Le rôle de l’occlusion en prothèse totale :
La réhabilitation d’une occlusion équilibrée bilatérale est clé du succès dans le traitement des édentations totales bi maxillaires, en effet l’adhésion et la sustentation des bases prothétiques sur la muqueuse sont sous la dépendance du facteur occlusal en priorité (des prothèses très bien conçues mais défaillantes sur le plan occlusal perdent leur rétention).
De ce fait la réhabilitation d’une occlusion équilibrée bilatérale en prothèse totale joue trois rôles essentiels.
1- La préservation des tissus de soutiens :
La conservation des crêtes osseuses est sous la dépendance directe des forces qui s’exercent sur elles, en effet la base prothétique transmet les forces occlusales aux tissus de soutien dont l’intensité et l’orientation peut entraver une stimulation physiologique ou une résorption accélérée.
2- Assurer la stabilité des prothèses :
Les contacts occlusaux statiques et dynamiques engendrent des forces orientées par les versants cuspidiens, le contrôle de ces forces par de bons enregistrements cliniques, un montage des dents convenables, et une équilibration finale soignée assurera la stabilité prothétique.
3- La restauration des fonctions de mastication, phonation, et de déglutition :
- l’efficacité masticatoire est sous la dépendance de la position d’intercuspidation maximale.
- la phonation est tributaire du montage et surtout des dents antérieures.
- la déglutition provoque les contacts inter dentaires les plus nombreuses et les plus longs.
La position d’IM en relation centrée permet d’assurer cette fonction efficacement sans déplacement des prothèses.
Impératifs d’une relation équilibrée :
1- Stabilité en relation centrée :
En prothèse totale, l’intercuspidation maximale doit toujours être recherchée en relation centrée, elle est universellement adoptée comme position thérapeutique en prothèse totale.
Dans cette position, les prothèses doivent être parfaitement stables, le résultat est obtenu grâce à un enregistrement précis des rapports inter maxillaires, un montage, et une équilibration aboutissant à des contacts égaux et répartis également entre les prothèses, tant dans le sens antéropostérieur que transversal.
Les contacts cuspidiens doivent s’effectuer au fond des fosses et non sur les versants ce qui entraînerait le déplacement des bases.
2- Réalisation d’une occlusion balancée :
La recherche d’une stabilité prothétique à été à l’origine du concept de l’occlusion balancée (Gysi), ce concept préconise un montage des prothèses en protection canine (ils constituent une minorité).
Les avantages d’une occlusion équilibrée en prothèse totale :
- si les aliments s’intercalent entre les dents sur l’un des côtes de l’arcade ce n’est que pour peu de temps, lois de la mastication : il y à rapidement des contacts brefs à traire le bol alimentaire.
- la plus part du temps, il n’y à rien d’intercale et l’avantage de l’équilibre en occlusion centrée et excentrée est évident et utile dans tous les milliers de contact journaliers lors de la mastication.
- une pression égale sur toutes les parties des arcades dentaires fournit une rétention potentielle pour les moments ou la stabilité des prothèses est soumise à un effort soudain.
Les facteurs qui régissent la réalisation d’une occlusion balancée ont été énumérés par Hanau et formulés par Thieleman.
Les autres cinq facteurs qui ont des relations étroites sont :
- l’inclinaison du trajet condylien IC.
- l’inclinaison du trajet incisif II.
- la hauteur des cuspides HC.
- la courbe de compensation CC.
- le plan d’occlusion PO.
La formule de Theilman s’écrit ainsi :
IC * II
——————— = équilibre
CC * PO * HC
En prothèse totale nous pouvons agir sur les 4 facteurs modifiables II, HC, CC, PO, seul la pente du trajet condylien est un facteur que nous devons enregistrer sur le patient.
L’occlusion balancée en prothèse totale ne nécessite pas le contact de toutes les dents entre elles.
Elles peuvent être considérées comme équilibrées si 3 points sont en contact, par exemple :
Côté travaillant : un contact vestibulaire entre la 2ème molaire supérieure et la 2ème molaire inférieure, et un contact de la canine supérieure avec la canine inférieure.
Côté non travaillant : un contact de la cuspide linguale de la 2ème molaire supérieure avec la cuspide vestibulaire de la 2ème molaire inférieure.
Toute fois, il est préférable d’obtenir des contacts maximum sur toutes les cuspides travaillantes et un petit nombre (moins) sur le côté non travaillant.
3- Liberté en occlusion centrée :
Ce point est controversé, l’école gnathologique préconise une position centrée bien définie et ne peut-être abandonnée que pour des excursions latérales coordonnées à partir de cette position.
Pour d’autres, une certaine liberté (Wide centric, freedom in centric) est nécessaire pour compenser un glissement des bases sur les muqueuses.
4- Efficacité de l’action Secante et Broyante :
Le choix des dents est prépondérant, de leur efficacité dépend la diminution de l’effort musculaire et des traumatismes au niveau des tissus de soutiens.
Les dents cuspidées sont préférables aux dents plates, les dents en porcelaine aux dents en résine.
Les faces occlusales en métal coulé sont incontestablement les plus efficaces.