mardi 5 avril 2011

Les origines de la dualité de juridiction

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Les origines de la dualité de juridiction

La dualité de juridiction fait référence à une situation ou coexistent deux ensembles hiérarchisés et autonomes de juridictions tranchant des litiges en appliquant des règles de droit différentes.  Les juridictions judiciaires tranchent les litiges entre les particuliers, et les juridictions administratives règlent les litiges relatifs aux activités administratives.
La raison expliquant que le second type de litiges ne soit pas soumis aux juridictions judiciaires réside dans le principe de séparation des autorités administratives et judiciaires. Ce principe est issu des lois des 16 et 24 aout 1790 et du décret du 16 Fructidor An III. Ces textes interdisaient aux tribunaux judiciaires de "troubler de quelque manière que ce soit les opérations des corps administratifs" et "de connaitre des actes d'administration de quelque espèce que ce soit". Il faut préciser que ce principe avait déjà été posé par l'Edit de Saint-Germain du 16 février 1641. Les révolutionnaires n'ont donc pas innové en la matière.


Deux types de raisons sont au fondement de ce principe. Le premier est que l'on ne veut pas confier aux tribunaux judiciaires le jugement des activités administratives en raison de l'attitude trop conservatrice des anciens Parlements de l'Ancien Régime. Ces derniers avaient, en effet, empéché les réformes.
L'autre raison est que l'on considère que "juge l'Administration, c'est encore administrer". Ainsi, le fait de trancher les litiges entre l'Administration et les particuliers est considéré comme faisant partie de l'action administrative. En d'autres termes, sous l'expression "autorités administratives", l'on range, à la fois, l'action d'administrer et l'action de juge l'Administration. Il faut préciser, qu'à l'époque, la conception de l'Administration est celle d'une Administration toute puissante; elle n'est pas autant soumise au droit qu'aujourd'hui.
Il est possible à présent d'étudier les différentes étapes de l'évolution de la juridiction administrative. Cette évolution commence par l'instauration du système de l'administrateur-juge, puis par la mise en place d'une justice retenue. La fin du 19° siècle voit la consécration de la justice délégueé et la fin de la théorie du ministre-juge.


1° étape : l'instauration du système de l'administrateur-juge


Dans la mesure ou le juge judiciaire ne peut trancher les litiges adfministratif, il faut bien trouver un organe pour exécuter cette mission. On décide, alors, de confier ce pouvoir à l'Administation elle-meme. C'est le système de l'administrateur-juge. Les exécutifs des départements et des districts sont juges des affaires locales (lois des 7 et 11 novembre 1799). Les autres affaires relèvent de la compétence du du conseil des ministres présidé par le Roi (lois des 27 avril et 15 mai 1791). Il faut noter, qu'à partir de la Constitution de l'An III, cette compétence de relève de chacun des ministres.
Dans ce système, l'Administration est donc juge et partie. On ne condière pas cette situation comme contraire à la séparation des pouvois car le pouvoir judiciaire est entendu strictement comme le pouvoir de juger les différents entre particuliers et les pousuites pénales exercées contre eux.


2° étape : le mise en place d'une justice retenue


A partir de l'An VIII une dissociation sopère au sein de l'Administration : se dégage de l'Administration active une Administration consultative. Ainsi, la Constitution du 22 Frimaire An VIII (1799) crée le Conseil d'Etat. Les conseils de préfectures sont créés dans chaque département par la loi du 28 Pluviose An VIII.
Ces deux conseils ont une double fonction consultative. Le première mission est tout simplement de conseiller l'Administration sur les affaires administratives. Ainsi, le Conseil d'Etat rédige les projets de loi et les règlements d'administration publique. Mais, pour ce qui nous intéresse, ils interviennent aussi dans le réglement des litiges entre Administration et administrés. La procédure est simple. Les ministres sont saisis en premier ressort. Ensuite, un appel est possible devant le chef de l'Etat. C'est là qu'intervient le Conseil d'Etat. Ce dernier étudie le dossier et prépare une solution à proposer au chef de l'Etat. Mais, ce qu'il faut retenir c'est que celui qui signe la décision, qui l'endosse juridiquement c'est le chef de l'Etat. Le role du Conseil d'Etat est purement consultatif. C'est le système de la justice retenue.
Par ailleurs, on passe, parallèlement à la création des conseils de préfectures, de l'administrateur-juge au ministre-juge. Seuls le ministres interviennent dans le processus juridictionnel administratif.


3° étape : le passage à la justice déléguée


Le système de la justice retenue va connaitre une mise en pratique pour le moins étonnante. En effet, alors que ce système laisse l'administrateur libre de prendre la décision qu'il souhaite, autrement dit de suivre ou non la solution proposée par les Administrations consultatives, il va se passer ce que le professeur Prosper Weil qualifie de "miracle". En effet, dans la pratique, l'administrateur suit la décision de l'Administration consultative. Le législateur a donc décidé d'adapter le droit au fait et de consacrer cette pratique. On passe ainsi à la justice déléguée : la loi du 24 mai 1872 donne au Conseil d'Etat le pouvoir souverain de statuer sur les litiges entre Administration et administrés; aucune approbation du chef de l'Etat n'est nécessaire. C'est à partir de ce moment que le Conseil d'Etat devient une véritable juridiction puisque c'est lui qui prend juridiquement la décision. Ce n'est donc qu'à partir de 1872 que l'on peut véritablement parler de dualité de juridiction en France.
Deux remarques doivent etre faites. Dans la mesure ou le Conseil d'Etat est dorénavant une véritable de juridiction, des conflits de compétence peuvent naitre entre lui et l'ordre judiciaire. La loi de 1872 crée donc le Tribunal des conflits pour trancher ces conflits de compétence.
Surtout, si le Conseil d'Etat juge souverainement, il ne le fait qu'en appel. En premier ressort, le ministre garde toujours sa compétence. Le système de ministre-juge se poursuit donc après le passage à la justice déléguée. Mais, cette situation va prendre fin quelques années plus tard.


4° étape : l'abandon de la théorie du ministre-juge

Puisque le Conseil d'Etat est une véritable juridiction, il apparait absurde de passer devant le ministre en premier ressort. Le Conseil d'Etat décide donc d'abandonner la théorie du ministre-juge par l'arret Cadot du 13 décembre 1889. Dans cette affaire, le juge administratif précise : "considérant que, du refus du maire et du conseil municipal de Marseille de faire droit à la réclamation du sieur Cadot, il est né entre les parties un litige dont il appartient au Conseil d'Etat de connaitre ...". Ce dernier considère donc que le ministre n'a plus à intervenir dans le réglement des litiges administatifs. Seul le Conseil d'Etat est compétent.
Il faut préciser que la théorie du ministre-juge n'était pas appliquée dans certaines matières. Avec l'arret Cadot, le Conseil d'Etat pose un principe général.

Ainsi, il est possible de faire un bref résumé. Avec la loi de 1872, la juridiction administrative est sortie de l'Administration, alors qu'avec l'arret Cadot, l'Administration n'intervient plus dans la processus juridictionnel administratif.
Deux autres dates marqueront, par la suite, l'ordre juridictionnel administratif.D'abord, en 1953, sont créés les tribunaux administratifs qui remplacent les anciens conseils de préfectures. Le but est de désengorger le Conseil d'Etat en faisant des tribunaux administratifs les juges de droit commun des affaires administratives. Le Conseil d'Etat ne conserve plus, en premier ressort, que des compétences d'attribution.
Enfin, la loi du 31 décembre 1987 crée les cours administratives d'appel compétentes pour les appels formés contre la plupart des jugements des tribunaux administratifs. Un pourvoir en cassation devant le Conseil d'Etat est possible contre les arrets rendus par ces cours.

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