mardi 5 avril 2011

Théorie de l'imprévision.

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Théorie de l'imprévision.

Rappel : l’article 1134 du Code Civil dispose "les conventions légalement formées tiennent lieu de Loi à ceux qui les ont faites …" et que le prix stipulé dans un contrat est réputé irrévocable "… les prix … sont immuables et lient les parties".

Historiquement, ce que l'on nomme "L'imprévision" provient de l’arrêt "Compagnie générale d'éclairage de Bordeaux", qui repose sur l’idée que certaines charges extra-contractuelles de l’entreprise doivent être couvertes par l’administration afin d’assurer la continuité du service public (cf. CE 30 mars 1916, Cie générale d’éclairage de Bordeaux, Lebon).

Elle suppose plusieurs conditions, qui bâtissent "La théorie de l'imprévision", et qui feront l'objet d'une circulaire du 20 novembre 1974 (1) : que l'évènement perturbateur :

- n'ait pu raisonnablement être prévu par le titulaire du marché ;

- qu'il ait été indépendant de la volonté du titulaire du marché ;

- qu'il ait occasionné des charges supplémentaires, généralement qualifiées d'"extra-contractuelles" parce que non prévues lors de la conclusion du contrat, entraînant le bouleversement de son économie.

La notion de bouleversement de son économie signifie sans doute que le résultat financier de la réalisation du marché public incriminé s'inscrive dans le déficit, mais que le marché puisse encore se terminer, c'est à dire que la situation n'impose pas une résiliation.

1 - Sur le caractère imprévisible :

- la notion même d’imprévision implique que le bouleversement n’était pas normalement prévisible ;

- si un bouleversement était prévisible c'est que certainement l’événement l’était.

Le droit dit qu'un événement prévisible ou même connu est compatible avec l’imprévision si ses conséquences étaient imprévisibles ; par exemple, en période de crise, il est prévisible que des fluctuations (des cours des matières premières pour prendre cet exemple) se ressentent fortement ; les conséquences de ces fluctuations sont imprévisibles, dès lors que l'ampleur des fluctuations n'est pas connue.

Nous sommes avec cet exemple au coeur de la raison d'être des décrets de fin 2008, et notamment de l'article 34 (2) du décret n° 2008-1355 du 19 décembre 2008, écrit pour faire face aux risques de fluctuation des cours mondiaux notamment de matières premières.

(2) "Au V de l'article 18 du code des marchés publics, les mots : « de travaux » sont supprimés et après le mot : « fournitures » sont insérés les mots : « notamment de matières premières »."

La mise en oeuvre de ces dispositions devrait permettre de restreindre l'application de la théorie de l'imprévision, puisque nous l'avons vu, le prix stipulé dans un contrat est réputé irrévocable ; "les prix sont immuables et lient les parties".

L’insertion d’une clause de variation des prix est rendue obligatoire aux marchés publics d'une durée supérieure à 3 mois, sous certaines conditions (recours à une part importante de fournitures, notamment de matières premières) par l'article 34 du décret n° 2008-1355 du 19 décembre 2008 de mise en œuvre du plan de relance économique dans les marchés publics :

"Les marchés d'une durée d'exécution supérieure à trois mois qui nécessitent, pour leur réalisation, le recours à une part importante de fournitures, notamment de matières premières, dont le prix est directement affecté par les fluctuations de cours mondiaux, comportent une clause de révision de prix incluant une référence aux indices officiels de fixation de ces cours, conformément au 1° du IV du présent article".

Ces dispositions permettent en période de forte volatilité de certains approvisionnements (matières premières), d'éviter le recours à la "Théorie de l’imprévision" (une clause de révision devrait, en principe, mettre le titulaire à l'abri des aléas économiques. S’il n'en est toutefois pas ainsi, le Conseil d'Etat reconnaît au fournisseur un droit à indemnité, dans les conditions de droit commun, sur la base de la théorie de l'imprévision).

Nota : ces dispositions sont insuffisantes, et ne règlent pas la question épineuse de la date de publication des indices (le marché mentionnera t-il que les indices sont ceux lus le ... ou bien sont ceux du mois de ...) ? Pas plus qu'elle ne règlent la question non moins épineuse, du stockage, d'une éventuelle spéculation : les clauses de révisions vont-elles affecter le prix de matières achetées et stockées avant des fluctuations importantes des cours mondiaux, ou pendant la période desdites fluctuations ?

Formations achats marchés public famp reproduit ci-dessous un exemple de fluctuation d'indices de prix pour l'acier, sous plusieurs formes marchandes (donné à titre d'exemple, et ne sera pas mis à jour) :
évolution des prix de l'acier
évolution du prix des produits plats
évolution du prix des produits longs
Le dernier tableau montre, pour les poutrelles, des variations de cours très rapides et d'amplitudes importantes, qui peuvent faire le bonheur ou le malheur des uns ou des autres, en fonction des dates d'achat et de revente.

Aucune forme de prix n’exclut, par principe, un cocontractant du bénéfice de l’imprévision (le prix forfaitaire ne s'oppose pas au bénéfice de la théorie de l'imprévision).


2 - Mise en oeuvre du dédommagement en référence à la théorie de l'imprévision :

Lorsque ces circonstances sont réunies, c'est à dire quand le titulaire d'un marché public a fait appel au recours à la théorie de l'imprévision, quand les conditions énumérées supra on été vérifiées, l’administration est tenue d’indemniser le titulaire selon une règle fixée, qui dépend de plusieurs paramètres :

- dans les marchés à prix unitaire, l’application de la règle contractuelle implique que les simples augmentations de volume ne sont pas indemnisées si elles n’ont pas entraîné d’autres frais, comme l’immobilisation du matériel ou un besoin en personnel plus que proportionnel ;

- l’indemnisation de l’imprévision ne peut couvrir que les pertes, la charge considérée comme extra-contractuelle car excédant ce qui était envisageable par les parties et non le manque à gagner ; c'est pourquoi l’indemnisation n’est pas intégrale, et laisse à l’entreprise une partie de la charge, en général de l’ordre de 10 %.

La circulaire du 20 novembre 1974 (JO 30 novembre) donnait des indications détaillées sur les modalités de calcul lorsque l’indemnité est accordée à l’amiable.

Un avenant est nécessaire pour concrétiser l’accord des parties (une clause de renonciation à tout recours fondé sur la théorie de l’imprévision est recommandée).

Il peut même être convenu, et c'est très certainement le seul cas de non intangibilité des prix, que l'avenant fixe de nouveaux prix (notamment si les produits achetés au titre du marché sont des produits vendus au public, avec des prix publics.

3 - Sources possibles de l'aleéa économique (Tiré en partie du droit des marchés publics, Editions Le Moniteur) :

L’aléa économique peut être provoqué par des mesures d’autorité publique (cf. CE 5 novembre 1982, Sté Propétrol, Lebon, p. 381 ; AJDA 1983, p. 259, concl. Labetoulle).

Ont ainsi été reconnus comme des cas d’imprévision :

- une dévaluation (cf. CE 23 novembre 1956, Héreil, Lebon, p. 448) ;

- un blocage des prix sans blocage des salaires (cf. CE 14 mars 1962, Sté Manufacture des vêtements Paul Boye, Lebon, p. 173) ;

- en revanche un blocage des prix n’a pas été considéré comme un cas d’imprévision dès lors que les prix en cause n’échappaient pas, par principe, à la réglementation alors en vigueur (cf. CE 20 mai 1994, Sté le Gardiennage industriel, JCP 1994,IV,1720) ;

- l’obligation faite par l’État d’effectuer une partie des travaux autoroutiers de nuit alors que le contrat ne prévoyait que 5 % de travaux de nuit (cf. CAA Paris 7 mai 2002, société Idex, RFDA 2002, p. 1161, confirmé par CE 25 juin 2003, EPAD, RFDA 2003, p. 1243).

- les troubles sociaux des événements de 1936 ont été considérés comme un cas d’imprévision (cf. CE 11 décembre 1957, Min. de la Défense c/ Sieur Berthas, Lebon, p. 671) tout comme les lois sociales de la même année (cf. CE 13 novembre 1953, Charnit, liquidateur de la Sté Collet Georges et Fils, Lebon, p. 490).

- Une grève générale peut constituer un cas d’imprévision (cf. CE 2 février 1951, Sté des grands travaux de Marseille, Lebon, p. 67).

- La doctrine administrative a admis l’imprévision à propos de la première guerre du Golfe, voir reproduction d'une question/réponse au Sénat en bas d'article (3).

- Un arrêt récent (cf. commune de Staffelfelden, Contrats et Marchés Publics 2000, n° 15, note P. S-C ; BJCP 13/2000, p. 434, concl. Catherine Bergeal ; LPA 8 décembre 2000, p. 14, note Laurence Jégouzo-Vieno ; JCP 2001.IV.1406, obs. C. Rouault ; Lebon, p. 227) considère la pollution définitive d’une ressource en eau comme un cas de force majeure provoquant une imprévision.

Une forte variation du cours de la devise dans laquelle est payée le sous-traitant ou le fournisseur pourrait constituer une imprévision, mais en l’espèce l’incidence de 5 % sur le coût total du marché a été considérée comme insuffisante (cf. CAA Bordeaux 7 octobre 2004, société ateliers CMR, req. n° 00BX01699, Contrats et Marchés Publics 2005, n° 48, note Gabriel Eckert : modification d’une implantation).


4 - (1) La Circulaire du 20 novembre 1974
Objet : l'indemnisation des titulaires de marchés publics en cas d'accroissement imprévisible de leurs charges économiques (application de la théorie de l'imprévision) - JO du 30 novembre 1974.
1. - Des évolutions exceptionnelles de la conjoncture économique peuvent, dans certains cas, conduire des titulaires de marchés soumis au régime du droit public à demander des prix de règlement supérieurs à ceux qui résulteraient de l'application des clauses contractuelles.
Afin d'éviter que les différents acheteurs publics n'adoptent à l'égard de ces demandes , des attitudes divergentes, il me paraît utile, après avoir rappelé certains principes essentiels de la jurisprudence, de préciser selon quelles modalités pratiques des indemnités peuvent être accordées au titre de l'imprévision.
Dans cet esprit, plusieurs circulaires ont été récemment publiées afin d'ouvrir la possibilité d'accorder des indemnités forfaitaires pour atténuer les effets d'aléas économiques affectant soit certaines catégories de marchés, soit certains produits ; ces textes, dont la liste est donnée en annexe, demeurent applicables.
Dès lors, le champ d'application de la présente circulaire, qui abroge et remplace, pour les demandes d'indemnités postérieures à sa publication, celle du 18 mai 1938, relative à la révision des marchés publics, est exclusivement limité aux difficultés dont la solution ne pourrait être trouvée ni dans l'un des textes particuliers mentionnés ci-dessus, ni dans l'un de ceux qui pourraient intervenir à l'initiative du ministre de l'économie et des finances et qui règleraient de façon simple et forfaitaire les problèmes que poseraient certaines catégories de marchés ou de produits.
Première Partie, Principes Généraux
2. - De la jurisprudence relative à l'exécution des contrats administratifs se dégagent quelques principes généraux susceptibles d'être invoqués par les titulaires de marchés en dehors de toute clause contractuelle. Ces principes s'appliquent notamment dans deux situations qu'il convient de bien distinguer. Il s'agit, d'une part, de la force majeure et, d'autre part de l'imprévision.
2.1 - La force majeure.
2.1.1 - Les éléments constitutifs de la force majeure. - Pour admettre l'existence d'un cas de force majeure, la jurisprudence exige la réunion de trois conditions. Il faut d'abord que le titulaire d'un marché se soit trouvé en présence d'une difficulté matérielle imprévisible. Il faut ensuite que celle-ci ne provienne pas de son fait. Enfin, cette difficulté doit être d'une ampleur ou d'une nature telle qu'elle rende l'exécution des obligations contractuelles impossible soit provisoirement, soit définitivement. Cette dernière condition n'est pas réalisée lorsque, par suite des circonstances économiques ou sociales, l'exécution du contrat devient seulement plus onéreuse.
2.1.2 - Conséquence de la force majeure. - Lorsque la force majeure est reconnue, le titulaire du marché peut, sans être tenu au paiement d'une indemnité, obtenir la résiliation de son contrat. Par ailleurs, si la force majeure, sans rendre définitivement impossible l'exécution du contrat, l'a retardée pendant un certain temps, le titulaire peut :

• prétendre à l'exonération des pénalités de retard pour la fraction du retard imputable à la force majeure ;
• et, s'il poursuit l'exécution du contrat, demander qu'il lui soit fait application de la théorie de l'imprévision lorsque ce retard aura entraîné le bouleversement de l'économie de son contrat.
2.2 - L'imprévision. - Les juridictions administratives ont été conduites à tempérer, dans certains cas, les effets de l'obligation impérative qui pèse sur le titulaire d'un marché public d'en poursuivre l'exécution, sauf cas de force majeure. Ainsi, dans l'hypothèse où certaines circonstances économiques ont entraîné le bouleversement de l'économie d'un contrat, elles ont admis que l'administration participe sous forme d'une indemnités aux pertes qu'il a subies, sans pour autant garantir un bénéfice au titulaire.
2.2.1 - Les éléments constitutifs de l'imprévision : ils sont au nombre de trois.
Il faut que l'événement perturbateur :
- n'ait pu raisonnablement être prévu par le titulaire du marché ;
- qu'il ait été indépendant de la volonté du titulaire du marché ;
- qu'il ait occasionné des charges supplémentaires, généralement qualifiées d'"extra-contractuelles" parce que non prévues lors de la conclusion du contrat, entraînant le bouleversement de son économie.
2.2 - Les conséquences de l'imprévision. - Lorsque le bouleversement de l'économie du contrat est établi, le titulaire du marché peut obtenir une indemnité. Dans l'hypothèse où la stabilisation des circonstances économiques s'effectue à un niveau tel que les clauses contractuelles s'avèrent définitivement inadaptées, les tribunaux considèrent qu'il appartient aux contractants de procéder à l'amiable à leur révision. A défaut d'accord sur ce point, les tribunaux se réservent le droit de prononcer la résiliation du contrat. Bien que de portée générale, la modification des clauses contractuelles et la résiliation d'un contrat pour cause d'imprévision ne s'appliquent pratiquement qu'aux concessions. Ce type de contrat étant de très longue durée, le palliatif que constitue l'indemnité d'imprévision est, en effet, insuffisant pour assurer, dans de bonnes conditions, la continuité du service public.

Deuxième Partie, Modalités Pratiques

3. - Remarques préliminaires
3.1 - Les contrats font la loi des parties. De ce principe fondamental, qui ne saurait en aucun cas être perdu de vue, résulte l'obligation incombant au titulaire d'appliquer strictement les clauses contractuelles. L'administration, quant à elle, se doit d'exiger l'exécution du contrat et, le cas échéant, d'en poursuivre l'exécution par défaut. Le bouleversement de l'économie d'un marché donne lieu, lorsqu'il est dûment établi, à l'octroi d'une indemnité mais, en soi, il ne justifie pas la résiliation du marché.
3.2 - En présence d'un contrat dont l'économie a été bouleversée, l'administration doit s'attacher à vérifier que les critères d'extériorité et d'imprévisibilité sont bien réalisés. On ne saurait trop insister sur le fait que les variations prévisibles dont le titulaire a normalement pu tenir compte lors de l'établissement de son offre ne doivent pas être considérées comme une surcharge.
3.3 - Il convient, en outre, de préciser qu'il n'y a pas lieu de recourir à la théorie de l'imprévision si le marché comporte un mécanisme de rajustement des prix en fonction de la conjoncture économique. Tel est le cas :
- lorsque des variations sont prévues par référence à celles autorisées dans le cadre de la réglementation des prix ;
- lorsque le marché comporte une clause de révision paramétrique ; toutefois, l'octroi d'une indemnité peut être admis dans la mesure où, même après application des clauses contractuelles de révision, l'économie du contrat apparaît bouleversée ;
- enfin, lorsque le prix est déterminé par le jeu d'un rabais ou d'un coefficient à appliquer notamment à des mercuriales, des tarifs, des barèmes de catalogues ou à des séries périodiquement ajustées.
3.4 - Il est souhaitable d'éviter, autant que possible, que des procédures contentieuses naissent des demandes d'indemnité pour imprévision formulées par un titulaire de marché. A cet effet, et dans des délais aussi courts que possible, l'administration doit s'efforcer de donner une solution amiable aux demandes qui lui paraissent incontestablement justifiées.
3.5 - L'administration ne doit prendre en considération que les demandes formulées dans les conditions et les délais prévus par les cahiers des clauses administratives générales pour les réclamations relatives au règlement des marchés publics.
4. - Modalités pratiques : L'instruction des demandes doit être effectuée conformément aux directives suivantes qui concernent les conditions d'octroi, le montant de l'indemnité et les modalités de calcul ainsi que la passation d'un avenant.
4.1 - Conditions d'octroi
4.1.1 - Eléments de surcharge à examiner et leurs justifications.
4.1.1.1 - Ces éléments peuvent, en fonction de leur nature, être regroupés en trois catégories ;
a) Charges d'approvisionnement :
La surcharge peut provenir d'une hausse du prix des matières premières, des semi-produits, des produits finis et de l'énergie intervenant dans l'exécution de la prestation.
b) Salaires, appointements et charges qui s'y rapportent :
Les salaires, appointements et charges qui s'y rapportent peuvent également faire partie des éléments de surcharge à prendre en compte dans la mesure, toutefois, où leur accroissement s'avère d'une ampleur telle qu'il ait pu raisonnablement échapper aux prévisions des candidats.
c) Charges fiscales :
Il est tenu compte contractuellement, dans le prix du règlement, des changements de taux ou d'assiette de la taxe à la valeur ajoutée (TVA) et des taxes assimilées intervenus entre le mois d'établissement du prix et la date du fait générateur. Dans ces conditions, une variation en hausse de ces taxes ne sauraient être considérée comme constituant un élément de surcharge.
En l'état actuel des textes, il n'y a pas lieu, non plus, de retenir, dans le calcul de la surcharge, les modifications affectant ceux des impôts, droits et taxes qui constituent pas des éléments du prix de revient.
4.1.1.2 - C'est au titulaire du marché qu'il appartient de prouver que son contrat a été bouleversé et d'apporter les justifications de nature à établir le montant de la surcharge qu'il a supportée. L'administration, quant à elle, se doit de contrôler soigneusement toutes ses assertions. En examinant les justifications fournies à l'appui d'une demande d'indemnité, elle s'attachera notamment à vérifier :
- que les variations de prix d'achat alléguées sont conformes à la réglementation des prix ;
- que l'évolution des salaires n'apparaît pas anormale eu égard à celles des rémunération payées à la foi dans la région et la branche professionnel considérée ;
- que les hausses enregistrées sont compatibles avec celles qui sont traduites par les indices insérés dans le Bulletin officiel des services des prix ou les indices et prix publiés par le Bulletin mensuel de statistique de l'INSEE, ou, à défaut, dans les publications professionnelles ;
- et enfin, que le niveau des prix, tel qu'il résulte de la demande du titulaire, peut être considéré comme normal par référence à celui pratiqué dans d'autres transactions de même nature.
4.1.1.3 - Quand le coût de certains éléments du prix de revient se révèle inférieur à celui qui avait été prévu, il convient d'opérer, à due concurrence, une compensation entre cette diminution et le montant des charges extra-contractuelles.
4.1.2 - Seuil de bouleversement.
4.1.2.1. - Lorsque, d'après l'ensemble des facteurs ci-dessus, a été calculé le surcroît de dépenses imposé pour l'exécution du marché par suite des circonstances imprévisibles, il n'y a pas lieu à l'allocation d'une indemnité d'imprévision que si ce surcroît de dépenses a entraîné non seulement une perte pour le titulaire du marché, mais un bouleversement de l'économie du contrat.
4.1.2.2. - Cette condition n'est, en principe, considérée comme remplie que lorsque les charges extra-contractuelles ont atteint le quinzième du montant initial du marché ou, pour les marchés ne comportant pas de montant initial - cas en particulier des marchés à commandes et de clientèle - lorsque ces charges extra-contractuelles ont atteint le quinzième des sommes réglées en application des clauses contractuelles. Toutes ces sommes doivent être calculées hors TVA.
Pour les marchés dont la durée d'exécution dépasse deux ans, l'appréciation ci-dessus est effectuée en prenant pour base le montant initial, soit de la tranche fonctionnelle du marché à laquelle se rattachent les charges extra-contractuelles invoquées soit, à défaut, des prestations réalisées dans un intervalle de deux ans.
Néanmoins, pour déterminer le montant de l'indemnité susceptible d'être accordée, il y aura lieu, le cas échéant, de prendre en compte les diminutions, par rapport aux prévisions initiales, des éléments de coût du marché pris dans son ensemble.
Lorsque le titulaire appartient à une entreprise intégrée dans un groupe et quelle que soit la durée du marché, il convient d'apprécier le bouleversement par rapport à l'ensemble des opérations qui, effectuées au sein du groupe, ont contribué à l'exécution de la prestation.
4.2 - Montant de l'indemnité.
4.2.1 - Lorsqu'il y a lieu à indemnité, celle-ci est liquidée et mandatée après exécution du marché puisque, réserve faite de certains marchés de longue durée, le montant des charges extra-contractuelles doit être évalué par rapport aux résultats d'ensemble du contrat.
Cependant, à titre exceptionnel, une provision sur indemnité, apurable en fin de marché et qui ne peut excéder soixante-dix pour cent des charges extra-contractuelles d'ores et déjà supportées, peut être accordée au titulaire qui en fait la demande lorsqu'il apparaît, à la fois :
- que le bouleversement de l'économie du contrat est d'une ampleur telle qu'il puisse être considéré comme irréversible et que, dans ces conditions, une indemnité sera de toute évidence attribuée en fin d'exécution du marché ;
- que le montant de la provision sur indemnité peut être évalué sur la base d'éléments de prix certains ;
- et enfin, que la situation de l'entreprise le justifie.
L'octroi de cette provision est soumis à la conclusion d'un avenant.
Ce document :
- fait référence au marché ;
- indique le montant de la provision sur indemnité ;
- reproduit les bases et les modalités du calcul qui a permis de l'établir ;
- mentionne qu'elle a été accordée en application de la théorie de l'imprévision ;
- précise, en outre, que les sommes allouées ne constituent qu'une provision dont le titulaire reste débiteur jusqu'à la liquidation de l'indemnité d'imprévision qui sera définitivement fixée par l'avenant prévu ci-après, au 5.
Eu égard au caractère provisionnel de cette indemnité, il n'y a pas lieu d'inviter le titulaire du marché à renoncer, au titre de ce marché, à tout recours ultérieur fondé sur la théorie de l'imprévision.
4.2.2 - La perte effective ou le surcroît de perte ne doit en aucun cas être mis en totalité à la charge de l'administration. Le titulaire du marché doit en supporter une part qui, en règle générale, est au moins égale à 10 %. Elle peut dépasser ce taux si le titulaire n'est pas en mesure de prouver que sa situation financière a été compromise par la surcharge imputable à l'exécution du contrat.
4.2.3 - Lorsqu'il apparaît que l'indemnité susceptible d'être allouée est faible et que la détermination de son montant ainsi que son ordonnancement entraîneraient, tant pour l'administration que pour le requérant, des charges sans proportion avec l'avantage qu'elle pourrait procurer au titulaire du marché, il n'y a pas lieu de donner suite à la demande.
4.3 - Modalités de calcul.
4.3.1 - Lorsque l'administration décide d'octroyer une indemnité au titre des catégories de marchés ou de produits ayant fait l'objet de circulaires particulières mentionnées en 1, le calcul de cette indemnité est effectué conformément aux indications figurant dans ces textes.
4.3.2 - Lorsqu'aucune de ces circulaires ne permet de résoudre un cas particulier, le montant de l'indemnité d'imprévision doit être déterminé au vu de justifications comptables.
Ceci suppose que le titulaire est en mesure de justifier, d'une part, son prix de revient et par conséquent sa marge bénéficiaire au moment où il a remis son offre ainsi que d'autre part, ses débours aux cours de l'exécution du marché.
4.3.3 - Dans le cas d'un marché à prix fermes non actualisables, le montant maximal hors TVA de l'indemnité pouvant être accordée est donné par la formule :
Dans cette formule :
I = 0,9 [(A2-A1) + (S2-S1) - B]
 
- A1 et S1 représentent respectivement les coûts prévisibles, tels qu'ils pouvaient être raisonnablement envisagés au mois d'établissement des prix ou, à défaut, à la date limite fixée pour la réception des offres, d'une part, des approvisionnements et des dépenses d'énergie et, d'autre part, des salaires, appointements et charges qui s'y rapportent ;
- A2 et S2 représentent le coût réel de ces mêmes éléments pendant la durée d'exécution de la prestation, dans les limites fixées au 4.112 ;
- B représente la marge bénéficiaire nette escomptée par le titulaire pour le marché envisagé, étant entendu qu'il ne saurait être tenu compte d'un marge négative.
Tous ces éléments sont établis hors TVA.
4.3.4 - Dans l'éventualité d'un marché à prix ferme actualisables, il y a lieu de déduire des charges extra-contractuelles, déterminées conformément au 4.3.3, le supplément d'actualisation obtenu par le titulaire par rapport à ce qu'il pouvait raisonnablement escompter.
4.35 - En ce qui concerne les marchés à prix révisables, la formule de révision met normalement le titulaire à l'abri des aléas économiques. Néanmoins, lorsqu'il apparaît que le jeu de cette formule n'a pas permis d'éviter un bouleversement de l'économie du contrat, il convient de tenir compte de la différence entre l'évolution réelle des coûts et celle résultant de l'application de la formule de révision. Dans ce cas, il ne faut pas omettre de déduire la couverture généralement prise par les titulaires de marchés sur la base des coûts prévisibles pour se prémunir contre d'éventuelles imperfections des formules.
4.3.6 - Lorsque, exceptionnellement, la méthode décrite aux 4.3.3, 4.3.4 et 4.3.5 ne peut pas être appliquée, soit que le titulaire ne puisse pas fournir les justifications nécessaires, soit que le service ne soit en mesure de procéder à aucun contrôle comptable même partiel, l'acheteur public concerné doit soumettre pour avis la demande d'indemnité à son administration centrale ou à son autorité de tutelle.
5 - Passation d'un avenant
L'octroi d'une indemnité d'imprévision donne lieu à la conclusion d'un avenant.
Ce document :
- fait référence au marché ;
- indique le montant de l'indemnité octroyée et, le cas échéant, celui des provisions sur indemnités déjà allouées ;
- reproduit les bases et les modalités du calcul qui a permis de l'établir ;
- précise qu'elle a été accordée en application de la théorie de l'imprévision ;
- contient une clause par laquelle le titulaire renonce, pour ce marché, à toute demande ultérieure fondée sur cette théorie.
Une copie de l'avenant, certifiée conforme à l'original et revêtue d'une mention indiquant, d'une part, que cette pièce formera titre en cas de nantissement et, d'autre part, qu'elle est délivrée en unique exemplaire, est remise au titulaire.
Je vous serai obligé de transmettre la présente circulaire aux services placés sous votre autorité ainsi qu'aux collectivités et établissements placés sous votre tutelle et susceptibles de conclure des marchés soumis au régime du droit public.
ANNEXE
Liste des circulaires du ministre de l'économie et des finances prévoyant la possibilité d'attribuer des indemnités au titre de l'imprévision par des méthodes forfaitaire :

7 novembre 1973, Incidence des hausses de prix de certains matériaux et produits sur les marchés publics de travaux en cours d'exécution.

25 janvier 1974, Incidence des hausses de prix des produits pétroliers sur les marchés publics de travaux en cours d'exécution.

30 avril 1974, Mesures applicables aux marchés de travaux immobiliers en cours d'exécution passés au nom de l'État.

14 juin 1974, Incidence des hausses de prix de certaines matières premières et de l'énergie sur les marchés publics de fournitures et de services.

4 juillet 1974, Solutions à apporter à certains problèmes posés par l'exécution des marchés publics de fourniture de fuel-oil (dont le paragraphe B permet de liquider les indemnités prévues par une circulaire du 29 novembre 1973 qui avait préconisé des solutions provisoires).

(3) Question écrite au Sénat, n° 12062 de M. Paul Girod (Aisne - UMP) publiée dans le JO Sénat du 18/10/1990 - page 2233

M. Paul Girod attire l'attention de M. le ministre d'Etat, ministre de l'économie, des finances et du budget, sur les conséquences désastreuses que l'évolution actuelle du prix des produits pétroliers génère sur l'équilibre financier de certains marchés de travaux publics. En effet, de nombreux maîtres d'ouvrage ont conclu à prix ferme des marchés dont le coût des prestations comportait une part non négligeable de produits pétroliers. Ils se basaient pour cela sur ce qu'ils pensaient être une prévision raisonnable des conditions économiques pendant la période relativement courte prévue pour l'exécution des prestations. Les événements du Moyen-Orient démontrent que de telles prévisions n'étaient pas raisonnables, et qu'il eût été préférable de se conformer plus étroitement aux termes de la circulaire sur les prix du 5 octobre 1987 et de la circulaire Equipement 85-37. En effet, ces documents déconseillent formellement l'utilisation du prix ferme, même pour des marchés de courte durée lorsque les produits pétroliers interviennent pour une part importante dans le prix de la prestation. Compte tenu des circonstances et des termes de ces circulaires, il serait opportun d'inclure des clauses de variation des prix dans les marchés de travaux faisant actuellement l'objet de consultation à prix fermes, et dont les coûts intègrent une certaine quantité de produits pétroliers. Il lui demande donc ses intentions sur cette proposition.

Réponse du ministère : Économie publiée dans le JO Sénat du 27/12/1990 - page 2747

Certaines prestations exécutées dans le cadre de marchés publics, notamment de génie civil, nécessitent la mise en oeuvre de matières dont une part importante est constituée de produits pétroliers ou dérivés du pétrole. Afin de prémunir les titulaires de marchés publics contre les aléas excessifs liés aux coûts d'approvisionnement de ces produits dont les prix évoluent de façon erratique, il a été recommandé aux maîtres d'ouvrage, en particulier par la circulaire du 5 octobre 1987 relative à la détermination des prix initiaux et des prix de règlement dans les marchés publics, de ne pas traiter à un prix ferme cette catégorie de marchés, mais d'y insérer une clause d'ajustement ou de révision des prix. Les événements survenus depuis le 2 août 1990 ont mis en évidence le fait que certaines collectivités publiques n'ont pas appliqué, autant qu'il eût été souhaitable, ces recommandations. Les pouvoirs publics, qui partagent les préoccupations de l'honorable parlementaire, ont donc renouvelé, et renouvelleront, le conseil de ne pas conclure à prix ferme les marchés de l'espèce, afin d'éviter de compromettre leur équilibre économique et, par suite, leur bonne exécution. S'agissant des marchés en cours dont le bilan financier ferait apparaître des surcoûts excessifs pour leurs titulaires, les entreprises seront fondées, une fois les prestations terminées, à demander au maître d'ouvrage l'octroi d'une indemnité dite d'imprévision, dans les conditions fixées par la circulaire du 20 novembre 1974, relative à l'indemnisation des titulaires de marchés publics en cas d'accroissement imprévisible de leurs charges économiques.

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