mardi 5 avril 2011

l’équilibre du marché du travail

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1. Fonctionnement du marché du travail

On part de quatre hypothèses corrélatives : tout d’abord la concurrence parfaite. Ensuite, le travail est considéré comme un facteur de production parfaitement homogène, c’est-à-dire que les employeurs considèrent les différents individus offrant leur travail comme strictement identiques en ce qui concerne les qualifications et la productivité. Il existe un marché du travail indépendant pour chaque type et chaque niveau de qualification. En troisième lieu, un grand nombre d’employeurs et d’employés (atomicité), sont libres d’entrer et de sortir du marché, négociant librement et de façon individuelle les contrats de travail. Le salaire est déterminé par l’équilibre entre l’offre et la demande de travail, et s’impose à tous ; il est parfaitement flexible. Enfin, quatrième hypothèse, l’information est parfaite : tout mouvement dans l’offre ou dans la demande entraîne une renégociation immédiate des contrats, qui détermine un nouveau salaire d’équilibre.
- L’offre de travail est une fonction de la croissance du salaire réel : à l’équilibre, l’utilité marginale du revenu tiré du travail doit être égale à l’utilité marginale du loisir sacrifié pour accomplir ce travail. Les travailleurs ne sont pas victimes de l’illusion monétaire qui les conduiraient à ne s’intéresser qu’au montant inscrit sur leur fiche de pays (le salaire nominal) : ils s’intéressent à la quantité de biens et de services que le salaire nominal leur permet d’acheter ; cette quantité est égale au salaire nominal divisé par le prix moyen des biens et services, car le salaire réel : Wr = W/P (où Wr est le salaire réel, W le salaire nominal et P le niveau moyen des prix).
- La demande de travail des employeurs est une fonction décroissante du salaire réel : la courbe de demande de travail (Ld) est confondue avec la courbe de productivité marginale, qui est décroissante (loi des rendements décroissants).
La concurrence entre les employeurs pour attirer les salariés, et entre les travailleurs pour obtenir les emplois, garantit une fléxibilité parfaite des salaires réels.
équilibre du marché du travail Au taux de salaire initial, la demande de travail (L3) est nettement inférieure à l’offre de travail (L1). Pour rétablir l’équilibre, il faut diminuer l’offre et augmenter la demande. C’est réalisé, concrètement, par la concurrence entre les travailleurs pour obtenir les emplois disponibles, qui les conduit à accepter des salaires plus faibles (L2).
Si tous les intervenants sur le marché connaissent simultanément et instantanément la nouvelle situation du marché, on peut renégocier aussitôt tous les contrats. S’il n’existe aucun obstacle à cette renégociation, et aucun coût de négociation, on peut considérer les salaires comme parfaitement flexibles, et le retour à l’équilibre est instantané. De même, une hausse de l’offre de travail abaisse le salaire réel, et une hausse de la demande de travail ou une baisse de l’offre augmente le salaire réel.

2. Interprétation du chômage

On distingue les chômage volontaire du chômage involontaire. Le chômage involontaire survient lorsque les individus souhaitent travailler au taux de salaire courant offert sur le marché, mais ne trouvent pas d’emploi. Le chômage volontaire existe lorsque des individus ne trouvent pas d’emploi parce qu’ils demandent un salaire supérieur au salaire d’équilibre. L’existence d’un chômage involontaire paraît difficilement compatible avec le fonctionnement du marché du travail : par conséquent le seul chômage envisageable est volontaire. Mais ce n’est pas un chômage à proprement parler : les individus préfèrent encore le chômage aux autres possibilités qui leur sont offertes.
- Les salaires rigides et trop élevés : le chômage classique
Il existe des institutions qui limitent la flexibilité des salaires, surtout à la baisse : les syndicats, le droit du travail, le salaire minimum lorsqu’il existe. Or quand la demande de travail baisse, on ne peut éviter le chômage que si les salaires réels baissent aussi. Prenons pour s’en convaincre un cas de récession :
La demande de travail baisse de Ld1 à Ld2. Il faudrait par conséquent que le salaire réel passe de Wr1 à Wr2. Mais si des rigidités existent, les employeurs sont contraints de maintenir les salaires réels à Wr1, et de diminuer l’offre d’emplois à L3, alors que l’offre de travail reste inchangée en L1. L1-L3 : c’est le chômage "involontaire", qui ne provient pas d’une insuffisance de débouchés pour les entreprises.
Les entreprises seraient disposées à embaucher davantage de travailleurs et pourraient écouler sans difficulté la production supplémentaire. Elles ne le font pas parce que ce n’est pas rentable : avec un salaire fixé à Wr1 elles préfèrent réduire l’emploi et la production : c’est le chômage "classique". Par conséquent, une plus grande flexibilité salariale rapprocherait l’économie du plein-emploi.
- L’indemnisation du chômage
Pourquoi les travailleurs et les syndicats préfèrent-ils le chômage à la baisse des salaires ? Pour Rueff, l’indemnisation du chômage provoque un biais en faveur des licenciements. Les syndicats seraient incités à résister plus fermement aux baisses de salaires qu’aux réductions d’emplois. Par ailleurs, l’indemnisation réduit le coût du chômage pour les individus. D’où la théorie du job search (Stigler, Phelps).
- La théorie de la recherche d’emploi : le chômage frictionnel
Pour un même travail homogène, il n’existe pas un salaire unique dans toute l’économie, mais une série de salaires dont les individus n’ont pas instantanément et gratuitement connaissance. Dans l’économie réelle, l’information est imparfaite. Un travailleur peut donc se voir offrir des salaires différents selon les entreprises ; de même, un employeur sera confronté à des prétentions salariales différentes selon les candidats qu’il reçoit. Dans ce contexte, les agents ont intérêt à consacrer un certain temps à la recherche d’information, pour trouver le meilleur salaire ou pour trouver le meilleur employé. Il y a par conséquent un volant de chômage incompressible. La recherche individuelle s’arrête lorsque sa rentabilité marginale égale son coût marginal. Ce chômage frictionnel est d’autant plus important que la mobilité professionnelle ou géographique des travailleurs et des entreprises est forte. Mais c’est un chômage de plein emploi. Le temps passé au chômage ne constitue pas un sous-emploi de la force de travail, au contraire : compte tenu de l’imperfection de l’information, cette recherche constitue, à un moment donné, le meilleur emploi possible du temps ; car elle permet d’orienter les individus vers de meilleurs emplois pour eux (salaires plus élevés), et pour la collectivité (productivité plus forte).
- Le chômage structurel
C’est un chômage de recherche volontaire qui résulte d’une inadaptation momentanée entre la structure des offres et des demandes de travail. En effet, la structure de la demande de biens et services évolue dans le temps, si bien que la structure de l’offre de travail peut se trouver en partie inadaptée à ces demandes. Le système d’éducation et de formation met un certain temps à s’adapter aux nouveaux besoins de l’économie, et la diminution de l’emploi dans les secteurs en déclin amène sur le marché du travail des individus dont l’expérience professionnelle est de moins en moins demandée par les entreprises. En conséquence, il existe une offre de main d’oeuvre excédentaire pour les qualifications les moins recherchées. C’est un chômage volontaire, car, bien que le prix d’équilibre soit plus faible, les jeunes demandent un salaire équivalent à celui des aînés, et les travailleurs provenant de secteurs en déclin demandent un salaire équivalent à leur expérience. Les individus mettent du temps à réaliser et à accepter que leur qualification s’est dévalorisée sur le marché du travail et qu’ils ne peuvent trouver un emploi qu’en acceptant un salaire inférieur ou en sortant momentanément du marché pour suivre une nouvelle formation.
- Le taux de chômage "naturel"
Le chômage n’apparaît pas comme un dysfonctionnement du marché du travail. Au contraire, il constitue le mécanisme d’ajustement par lequel les agents rationnels s’adaptent efficacement à l’imperfection de l’information et aux contraintes institutionnelles. Ainsi le taux de chômage "naturel" est le taux de chômage correspondant au fonctionnement normal et efficace du marché du travail, compte tenu de l’imperfection de l’information et des contraintes institutionnelles. Le chômage naturel comprend donc le chômage frictionnel, et le chômage classique. Il est très largement volontaire ; seule une partie du chômage classique est involontaire (celle provenant d’institutions empêchant les employeurs d’offrir des emplois aux individus qui accepteraient un salaire réel inférieur au salaire courant). La partie involontaire du chômage est réductible par une remise en cause des institutions qui rigidifient les salaires à la baisse. C’est la seule voie offerte à la politique économique ; car une fois éliminé le chômage classique, le chômage naturel est incompressible : il ne reste qu’un chômage de plein-emploi.
Le taux de chômage naturel, c’est le NAIRU : le taux de chômage n’accélérant pas l’inflation. Car les politiques de stimulation de la demande peuvent momentanément réduire le taux de chômage, au prix d’une inflation plus élevée ; mais le taux de chômage revient inéluctablement vers son taux naturel (on ne peut donc maintenir un taux de chômage effectif inférieur qu’en répétant successivement les politiques de relance par la demande, donc en augmentant l’inflation).

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