lundi 4 avril 2011

L’activité économique [2] La mesure de l’activité économique

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L’activité économique [2]
La mesure de l’activité économique

Par Jean-Pierre TESTENOIRE
1. La comptabilité nationale
Un instrument de mesure
La richesse créée par l’activité économique
Le Produit intérieur brut (PIB).
Le Produit national brut (PNB).
La formation brute de capital fixe (FBCF).
Les limites de la Comptabilité nationale
Les autres indicateurs
Webographie
Bibliographie

L’activité économique des agents produit de la valeur. Celle-ci est mesurée par la comptabilité nationale. En agrégeant la richesse produite (la valeur ajoutée) par les différents secteurs institutionnels, la Comptabilité nationale produit des agrégats qui évaluent la richesse nationale (le PNB), la richesse intérieure (le PIB) ou l’investissement productif, (la FBCF). Cependant, ces agrégats n’évaluent que la richesse monétaire et sont soumis à de nombreuses limites, ce qui explique l’utilisation d’autres indicateurs, non pas de richesse, mais de bien être.

1. La comptabilité nationale

Instrument de mesure (et de comparaison), de prévision et de planification, la Comptabilité nationale « est un système comptable macroéconomique qui permet une représentation quantitative simplifiée des interdépendances des flux liés à l’activité des agents de l’économie nationale et des relations qu’ils entretiennent avec le reste du monde » (1) Elle développe des méthodes permettant la synthèse et l’agrégation des opérations économiques et permet d'aider dans leurs décisions les autorités chargées de la politique économique. La France a adopté une nouvelle nomenclature, le système européen de comptabilité (SEC 95) en 1999.

L’activité des secteurs institutionnels est analysée, pour chacun d’entre eux, à travers 8 sous-comptes principaux (dont les principaux sont les comptes de production, comptes d’exploitation, d’affectation puis de répartition du revenu…), qui retracent les trois opérations élémentaires de la Comptabilité nationale : opération sur produits, opération de répartition et opérations financières.

L’équilibre emploi-ressource est synthétisé dans le TES (tableau d’entrées-sorties) qui permet de calculer les principaux résultats de l’activité économique sous forme d’agrégats, c’est à dire de grandeurs macro-économiques significatives.

La richesse créée par l’activité économique est appréciée par la valeur ajoutée, c’est à dire la valeur créée à chaque stade de la production. Résultant de la différence entre valeur finale et valeur des consommations intermédiaires (c’est à dire toutes les consommations nécessaires à la production du bien ou du service final), la valeur ajoutée correspond à l’ensemble des rémunérations de facteurs de production : au titre du facteur travail (salaire et cotisations sociales), pour le facteur capital (intérêt et dividendes, amortissements et bénéfices) et pour l’État (qui coordonne l’articulation de ces deux facteurs (cotisations sociales et impôts).
o        La valeur ajoutée se distingue donc du profit. Par exemple le coût du travail est déjà déduit du bénéfice, les impôts sont déjà déduits du profit net.
o        La valeur ajoutée est essentiellement partagée entre le travail et le capital. L’évolution de ce partage montre l’évolution du rapport de force entre ces deux facteurs de production. De 1982 à 1998, la part du travail a régressé dans la valeur ajoutée (poids du chômage et modération salariale) alors que la part du capital a augmenté (figure 1).
 


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2. Les agrégats
 
On retiendra ici les trois résultats les plus utilisés.
 
Le Produit intérieur brut (PIB).
 
Le PIB est un agrégat qui représente le résultat final de l'activité de production des unités productrices résidentes. Le fait générateur de création de richesse est la production de valeur ajoutée
o       VA = Valeur de la production finale – Valeur des consommations intermédiaires
 
L’évaluation de l’ensemble de la VA permet alors d’apprécier la richesse totale produite sur un territoire, le PIB (figure 2).


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Le PIB se calcule de trois manières :
o      Le PIB est égal à la somme des valeurs ajoutées brutes des différents secteurs institutionnels augmentée des impôts moins les subventions (2)
o      Le PIB est égal à la somme de la consommation finale, de la formation brute de capital fixe, de la variation des stocks, des exportations moins les importations
o      Le PIB est égal à la somme de la rémunération des salariés, des impôts sur la production et les importations, de l'excédent brut d'exploitation et du revenu mixte moins les subventions.
Illustration
PIB total = PIB Marchand + PIB non marchand
         PIB Marchand = Σ VA + droits à l’importation + TVA - subventions aux importations
            PIB non marchand = coûts des facteurs des administrations.
Le Produit national brut (PNB).
Le PNB ajoute au PIB les revenus du travail et de la propriété reçus du reste du monde moins les revenus analogues versés au reste du monde. L’écart entre le PIB et le PNB montre à la fois l’attractivité du territoire national (qui se traduit par un accroissement des investissements directs de l’étranger vers la France, ce qui contribue à la hausse du PIB) et la compétitivité des entreprises nationales qui se traduit par un accroissement des investissements directs des entreprises françaises à l’étranger, ce qui accroît le PNB.

La formation brute de capital fixe (FBCF).

Elle représente les actifs fixes (actifs corporels ou incorporels) utilisés dans le processus de production pendant au moins un an. L’investissement correspond à l’acquisition de biens de production mesurée au sens de la Comptabilité nationale par la formation brute de capital fixe (FBCF).
De nombreux facteurs déterminent le comportement d’investissement des entreprises : la demande anticipée, le coût des facteurs de production, les contraintes d’endettement, la profitabilité, le taux d'intérêt..

3. Les autres indicateurs économiques
 
Les agrégats produits par la Comptabilité nationale ne sont pas exempts de reproches. D’où la nécessité d’utiliser, en fonction de ce que l’on cherche à mesurer, d’autres indicateurs macro-économiques.

Les limites de la Comptabilité nationale

On distingue  :
- des limites liées aux sources statistiques de la mesure de la richesse ;
- des limites liées à la répartition de la valeur ;
- des limites liées à la nature même du phénomène observé : la richesse monétaire induit-elle le bien-être collectif ?
a - Les limites liées aux sources statistiques
Destinée à mesurer la valeur nationale, ou la richesse produite par les résidents, la Comptabilité nationale ne peut appréhender (faute de sources statistiques précises) toutes les sources de la création de richesse, notamment quant aux phénomènes :
o        De travail clandestin (travail au noir, évalué à 6% du PIB en France).
o        D’activités illicites telles que le trafic de drogue.
o        D’autoproduction des ménages (jardin potager, ménage, évalué à plus de 35% du PIB en France).
La valeur mesurée par le PIB n’est donc pas la richesse réelle, ni totale.
 
b - Les limites liées à la répartition de la valeur
La Comptabilité nationale ne peut cerner précisément l’ensemble des externalités (positives ou négatives) émises par les agents sur l’ensemble du circuit économique. La création de comptes satellites particuliers (liés à la santé ou aux dépenses d’environnement) permet de mesurer leur contenu monétaire, mais plus difficilement leur impact sur la richesse nationale. Cette incapacité à internaliser les externalités est l’une des limites les plus importantes aujourd’hui à la véracité des résultats de la Comptabilité nationale.

Illustration
Soit une usine fabricant des produits chimiques (engrais, peinture…) dont la contribution en termes de richesse est évaluée à 1000 unités monétaires (soit 1000 de valeur ajoutée). Comme la production entraîne des dégâts sur l’environnement immédiat, la municipalité et la région engagent alors un programme de dépollution d’une valeur de 200 (salaires, achat de matériel).
- La comptabilité nationale retient donc 1200 de valeur créée (1000 + 200)
- Dans la réalité, les 200 dépensés par la collectivité ne servent qu’à réparer les « dégâts du progrès »
- La richesse collective nette devrait être alors de 800 (soit 1000 – 200).

c - Les limites liées aux phénomènes observés
Le contenu du PIB est ambigu dans la mesure où on assimile intuitivement la richesse au bien-être. Or :
D’une part, le PIB est un indicateur monétaire qui ne tient pas compte de la distribution de la richesse dans la population, donc des inégalités de répartition. Ainsi, deux pays à population identique pourraient atteindre le même PIB avec pour l’un, la concentration de la richesse autour d’une classe moyenne très importante, et pour l’autre une répartition inégale entre une minorité très aisée et une majorité très pauvre. Cette moyenne statistique (le PIB/habitant) est donc muette sur les conditions réelles de vie des habitants.
D’autre part, le PIB ne dit rien sur la répartition sociale (l’étendue des services publics par exemple), sur les conditions de scolarisation, sur l’espérance de vie, tous éléments indispensables au bien-être de la population.
Le PIB mesure donc la richesse totale produite par l’activité économique sur un territoire mais ne permet pas de conclusion sur le mode de vie réel de la population. Le PIB n’est pas le « BIB » (bonheur intérieur brut).

Les autres indicateurs

Puisque la richesse monétaire collective ne suffit pas à mesurer le bien-être, on utilise d’autres indicateurs qui intègrent alors des variables non directement monétaires, telles que l’éducation et l’espérance de vie (IDH) ou des éléments sociaux (BIP 40).

A - L'Indicateur de Développement Humain (I.D.H)
Il cherche à mesurer le niveau de développement des pays en dépassant l’aspect strictement économique contenu par le PIB ou le PIB par habitant.  Il intègre donc des données plus qualitatives. C'est un indicateur qui fait la synthèse (« indicateur composite ») de trois séries de données (3) :
o        l'espérance de vie à la naissance qui permet d’évaluer l'état sanitaire de la population du pays,
o        le niveau d'instruction mesuré par la durée moyenne de scolarisation et le taux d'alphabétisation,
o        le PIB réel (c'est-à-dire corrigé de l'inflation) par habitant, calculé en parité de pouvoir d'achat (c'est-à-dire en montant assurant le même pouvoir d'achat dans tous les pays).

Calculé par le Programme des Nations Unies pour le Développement (P.N.U.D.), l’IDH varie entre 0 (pauvreté absolue) et 1 (niveau de développement le plus élevé) et autorise un classement annuel des économies nationales qui diffère du classement des Etats par le PIB/habitant (4).

B - Le BIP 40 (5) (6) étudie plus spécifiquement des éléments sociaux tels que le logement, les revenus, le travail et l’emploi, l’éducation, la santé et les conditions d’accès et d’exercice de la justice.

Illustration : CONJONCTURE ECONOMIQUE - PROBLEMES DE SOCIETE
Bonheur national brut japonais (Source : Les Échos : 03 novembre 2005)
Alors que le Japon sort aujourd'hui, en 2005, d'une crise déflationniste d'une dizaine d'années, et que le taux de suicide chez les jeunes et les cadres augmente, les autorités publiques ont organisé un colloque sur la mesure du bien être économique, à partir de l'exemple du petit royaume himalayen du Bouthan. Bien que 8 fois moins riche en terme de PIB, cet état mesure "le bonheur individuel de chaque citoyen". "Il prend en compte pour cela quatre facteurs : le développement socio-économique durable et équitable, la préservation de l'environnement, la protection du patrimoine culturel et la bonne gouvernance ".
Ainsi, pour Takayoshi Kusago, ancien économiste de la Banque mondiale, et professeur à l'université d'Osaka "le Japon a énormément à apprendre du Bhoutan ".

En résumé, l’économie étudie d’abord les conditions de production de la richesse, principalement fondées sur la quantité de travail (et de capital) nécessaire à la production. Mais ses instruments de mesure sont limités, soit par les sources, soit par la définition elle même de l’utilité collective de la richesse. Globalement mesurable, l’économie est plus discrète sur les conditions sociales non directement monétaires des ménages et donc notamment du facteur travail.

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